Tanzanie : une victoire écrasante, une démocratie sous tension
- malikunafoninet
- 1 nov.
- 2 min de lecture

« Quand la victoire est acquise d’avance, voter devient un geste vide de sens », confiait un jeune électeur de Dodoma, dépité après la proclamation des résultats. La Commission électorale nationale a confirmé, samedi 1er novembre, la réélection de la Présidente Samia Suluhu Hassan avec 97,66 % des voix, au terme d’un scrutin marqué par une participation historiquement faible et plusieurs épisodes de violence.
Une victoire annoncée
Candidate du Chama Cha Mapinduzi (CCM), le parti au pouvoir depuis l’indépendance, Samia Suluhu Hassan a remporté sans surprise une victoire écrasante, consolidant ainsi sa mainmise sur l’appareil d’État. En réalité, la compétition électorale s’est jouée dans un climat de verrouillage politique : arrestations d’opposants, restrictions de campagne et boycott de plusieurs partis, dont le Chadema, principale formation d’opposition.
Cette domination du CCM, héritier de Julius Nyerere, n’a laissé place à aucun suspense. Pour de nombreux observateurs, la présidente a transformé ce scrutin en plébiscite contrôlé, davantage qu’en épreuve démocratique.
Un désintérêt populaire manifeste
Si le score de la cheffe de l’État témoigne d’un contrôle institutionnel sans faille, la faible mobilisation des électeurs révèle un tout autre signal : la perte de confiance envers les urnes. À Dar-es-Salaam comme à Arusha, les bureaux de vote sont restés quasi déserts. Les citoyens, convaincus que le CCM reste imbattable, ont préféré s’abstenir plutôt que de cautionner une élection jugée jouée d’avance.
Cette abstention de masse illustre un désenchantement profond. Dans un pays longtemps présenté comme un modèle de stabilité, la lassitude politique s’installe et nourrit la défiance envers un système électoral perçu comme verrouillé.
Des violences et une contestation étouffée
Le jour du scrutin, plusieurs villes, notamment à Zanzibar et sur la côte, ont connu des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Des vidéos ont circulé montrant des urnes renversées et des arrestations massives. Les autorités, elles, évoquent de simples « incidents isolés ».
Cette tension post-électorale s’ajoute à un climat de peur déjà perceptible pendant la campagne, où de nombreux militants de l’opposition ont été arrêtés ou contraints à la clandestinité.
Le pari d’une stabilité sans pluralisme
Réélue pour un premier mandat plein après avoir succédé en 2021 au défunt John Magufuli, Samia Suluhu Hassan incarne désormais la continuité d’un pouvoir qui privilégie la stabilité à la contradiction.
Si ses premiers mois au pouvoir avaient été salués pour leur ouverture diplomatique et économique, la dirigeante semble aujourd’hui renouer avec les réflexes autoritaires de son prédécesseur.
Cette victoire pourrait rassurer les partenaires économiques — notamment la Chine et certains États du Golfe — soucieux d’un environnement politique stable. Mais elle interroge sur le prix à payer : celui d’une démocratie en sommeil, où la paix sociale repose sur le silence plutôt que sur le débat.
Un modèle à repenser
La Tanzanie, longtemps citée en exemple pour sa cohésion nationale, entre dans une période charnière. Entre désir de stabilité et aspiration démocratique, le pays devra répondre à une question cruciale : peut-on préserver la paix durablement sans pluralisme politique ?
Source Afrik.com
Oura KANTÉ
Malikunafoni










































Commentaires