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Libye : dix navires militaires émiratis interceptés par l’Espagne, un revers pour le maréchal Haftar

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« L’Europe ne peut pas fermer les yeux sur un embargo qu’elle a elle-même voté », confie un analyste espagnol au quotidien La Repubblica. Les propos résonnent après la révélation d’une opération restée secrète plus d’un an : l’interception par la Garde civile espagnole, en août 2024 à Ceuta, de dix navires militaires en provenance des Émirats arabes unis et destinés aux forces du maréchal Khalifa Haftar en Libye.

 

Cette saisie, révélée tardivement par la presse italienne en octobre 2025, met à nu l’ampleur des violations de l’embargo onusien sur les armes imposé à la Libye depuis 2011. Elle expose aussi les contradictions d’une Europe prise entre ses alliances stratégiques avec le Golfe et la nécessité de freiner la militarisation du Maghreb.

 

Une affaire discrètement étouffée à Madrid

 

Selon les informations publiées par La Repubblica, les autorités espagnoles auraient volontairement gardé le silence sur cette interception sensible afin d’éviter une crise diplomatique avec Abou Dhabi, partenaire économique majeur de l’Espagne et de l’Union européenne. Ce n’est qu’après les révélations italiennes que Madrid s’est retrouvée contrainte d’assumer la saisie.

 

Les navires saisis auraient emprunté un itinéraire complexe afin d’échapper aux radars de l’opération européenne EUNAVFOR MED IRINI, chargée de surveiller les violations de l’embargo. Ils ont finalement été repérés lors d’une escale technique dans l’enclave espagnole de Ceuta.

 

Les parrains régionaux du maréchal Haftar

 

Chef de l’Armée nationale libyenne (ANL), Khalifa Haftar contrôle depuis Benghazi une large portion de l’est et du sud du pays. Son ascension s’explique en partie par le soutien logistique et financier des Émirats arabes unis, de l’Égypte et, plus récemment, de l’Arabie saoudite.

 

Les Émirats ont notamment fourni à l’ANL des véhicules blindés, des hélicoptères Mi-24 et des drones armés de missiles chinois Blue Arrow. En 2019, des experts de l’ONU avaient déjà pointé une implication directe d’Abou Dhabi dans les frappes aériennes contre Tripoli.

 

De son côté, Riyad voit en Haftar un rempart contre les Frères musulmans et, plus largement, contre tout mouvement islamiste issu du « printemps arabe ». En mars 2019, l’invitation du maréchal à Ryad par le roi Salman a officialisé une alliance jusque-là discrète.

 

Une guerre d’influence du Golfe au Nil

 

L’ingérence saoudienne dépasse désormais la Libye. Au Soudan, Riyad soutient les Forces armées soudanaises du général al-Burhan, tandis que son allié émirati appuie les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) de Hemetti. Ces mêmes miliciens, autrefois envoyés combattre pour l’Arabie saoudite au Yémen, alimentent aujourd’hui plusieurs fronts, révélant une interconnexion des conflits régionaux.

 

Dans cette géopolitique du feu, les ressources pétrolières restent le moteur caché. Le Soudan du Sud, riche de 75 % des réserves, dépend du port soudanais de Port-Soudan pour exporter son brut, un axe que Riyad tente de contrôler à travers des investissements discrets mais stratégiques.

 

Une Europe impuissante face à ses propres contradictions

 

L’opération IRINI, lancée par l’Union européenne en 2020 pour faire respecter l’embargo, peine à produire des résultats tangibles. Malgré les interceptions ponctuelles, les livraisons d’armes se poursuivent, alimentant un conflit devenu une véritable guerre par procuration.

 

Le gouvernement d’union nationale (GNA) à Tripoli bénéficie du soutien du Qatar et de la Turquie, tandis que Haftar reste appuyé par une coalition comprenant les Émirats, l’Égypte, l’Arabie saoudite et, désormais, la Russie. Moscou a d’ailleurs signé en février 2025 un accord lui accordant un accès naval privilégié au port de Tobrouk, renforçant sa présence militaire en Méditerranée.

 

Un signal d’alarme pour la Méditerranée

 

Cette interception à Ceuta, au-delà de sa dimension juridique, symbolise l’échec du système international à contenir les guerres d’influence dans la région. Pour certains observateurs, Madrid pourrait désormais jouer un rôle clé au sein de l’UE en dénonçant les rivalités franco-italiennes et en exigeant plus de transparence sur les violations de l’embargo.

 

Tant que les puissances régionales continueront de privilégier leurs intérêts économiques et militaires au détriment de la stabilité, la Libye — et plus largement le Maghreb — resteront le champ de bataille des ambitions croisées du Golfe, de la Russie et de l’Europe.

 

Source Afrik.com

Oura KANTÉ

Malikunafoni

 

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