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Eswatini : 5,1 millions de dollars pour accueillir des expulsés américains, un accord qui trouble le royaume

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« On nous a simplement informés après coup », confie, amer, un haut responsable financier d’Eswatini. La phrase résume l’opacité entourant un accord signé le 14 mai entre Mbabane et Washington : un contrat de 5,1 millions de dollars destiné à permettre au royaume d’héberger jusqu’à 160 personnes expulsées des États-Unis.

 

Selon le gouvernement américain, ces transferts s’inscrivent dans la politique de fermeté migratoire de l’administration Trump. Mais l’opération, longtemps tenue secrète, alimente aujourd’hui une vive controverse au sein du petit royaume d’Afrique australe.

 

Un financement discret et un circuit inhabituel

 

Le ministre des Finances, Neal Rijkenberg, a finalement confirmé le montant reçu. Mais il reconnaît que son département n’a joué aucun rôle dans la négociation. Le versement – officiellement justifié par un soutien à la gestion des frontières et des migrations – a été effectué non pas vers son ministère, mais directement sur le compte de l’agence nationale de gestion des catastrophes.

 

Cette procédure inhabituelle interroge : pourquoi l’argent destiné aux questions migratoires transite-t-il par un organisme chargé des crises humanitaires ? Et qui a réellement piloté ce dossier, si même le ministère des Finances a été écarté ?

 

Des expulsés présentés comme détenus dangereux

 

À la mi-juillet, puis en octobre, deux groupes ont été transférés vers l’Eswatini à bord d’avions militaires américains. Quinze hommes au total, dont quatorze toujours incarcérés dans le centre correctionnel de Matsapha, près de Mbabane.

 

Washington les décrit comme des individus condamnés pour des crimes graves – meurtre, viol sur mineur. Mais leurs avocats opposent une autre version : la plupart auraient purgé leur peine depuis longtemps avant d’être arrêtés à nouveau par les services de l’immigration (ICE). Les détenus n’ont pas la même nationalité : on y trouve un Cubain, un Yéménite, un Laotien, des Vietnamiens, un Philippin ou encore un Cambodgien.

 

Pour les ONG, une « marchandisation des personnes »

 

Ce dispositif, utilisé aussi avec d’autres pays africains comme le Rwanda ou le Ghana, hérisse les organisations de défense des droits humains. Plusieurs avocats ont saisi la justice locale, qualifiant l’accord de « trafic d’êtres humains sous couvert d’aide financière ». Ils dénoncent un arrangement secret, qu’ils estiment contraire à la Constitution d’Eswatini.

 

Le royaume dirigé par le roi Mswati III depuis 1986, déjà critiqué pour son manque de transparence, se retrouve désormais au centre des débats internationaux sur les pratiques migratoires américaines.

 

Un accord qui pourrait encore faire des vagues

 

Alors que la population s’interroge sur l’usage réel des fonds et sur les conditions de détention des expulsés, ce partenariat soulève des interrogations plus larges : jusqu’où un État peut-il externaliser la gestion de ses migrants ? Et quelles contreparties un pays en difficulté économique peut-il accepter sans compromettre sa souveraineté ?

 

L’affaire, portée devant les tribunaux, pourrait être l’un des prochains tests politiques et judiciaires pour Mbabane.

 

Oura KANTÉ

Malikunafoni

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