Sabotage des câbles de fibre optique : pourquoi l'affaire est prise très au sérieux
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Sabotage des câbles de fibre optique : pourquoi l'affaire est prise très au sérieux


Le nouveau Digital Services Act européen, qui va réguler les plateformes Web, et le rachat de Twitter par Elon Musk ravivent le débat sur la modération des réseaux sociaux.

Des câbles en fibre optique d'importance ont été sectionnés dans la nuit du mardi 26 au mercredi 27 avril en Ile-de-France ainsi que dans la Meuse, provoquant des coupures d'accès à Internet dans plusieurs régions et grandes villes, dont Grenoble, Besançon, Reims et Strasbourg. En fin de journée, mercredi, le site Zone ADSL avait recensé 9741 pannes sur l'internet fixe en France perturbant majoritairement des clients de l'opérateur Free - moins de 1% de ses utilisateurs d'après ses dires -, et dans une moindre mesure SFR. La plupart de ces problèmes avaient été résolus dans la matinée. Plus de peur que de mal, donc, grâce au détournement du trafic sur des routes secondaires, autrement dit, la redondance.

Mais l'incident est malgré tout pris très au sérieux par les autorités. Une enquête préliminaire de la section cyber du parquet de Paris a été ouverte mercredi soir pour "détérioration de bien de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation", "entrave à un système de traitement automatisé de données" et "association de malfaiteurs". Les tentatives de sabotage du réseau Internet, si elles ne sont pas rares, n'ont jamais connu une telle sophistication. Explications.

Un "changement d'échelle" dans le sabotage

Les incendies ou dégradations constatés sur des antennes-relais sont monnaie courante depuis plus de dix ans, avec une recrudescence à l'arrivée des antennes 5G. Deux cas de sectionnement de câbles télécoms avaient également été observés dans le Val-de-Marne, en mars et en mai 2020. A noter que des dégradations, cette fois accidentelles, surviennent régulièrement lors de travaux.

Néanmoins, une attaque simultanée sur plusieurs sites majeurs du réseau est inédite selon de nombreux professionnels du secteur. Le directeur général de la Fédération française des télécoms (FFT), Michel Combot, déplore ainsi auprès de L'Express un "changement d'échelle" dans les tentatives de sabotage du réseau Internet. "Nous étions auparavant sur des actes isolés et surtout très visibles. On touchait une sorte de symbole en brûlant un pylône par exemple. Là c'est une opération préparée, d'une amplitude différente."

L'opérateur professionnel Netalis a quant à lui évoqué sur son site une "première en sept années d'exploitation", et annoncé le dépôt d'une plainte. Son PDG, Nicolas Guillaume, commente auprès de L'Express : "Les gens qui ont commis ces actes ont su quoi, où et comment couper. Cela est inquiétant si d'autres actions coordonnées venaient à toucher plus de segments critiques."

"Il existe de nombreuses infrastructures fibres. Ici, les auteurs ont spécifiquement visé les liens très longue distance, ceux reliant Paris à Strasbourg, Paris à Lyon ou encore Paris à Lille, dont les localisations ne sont pas publiques", abonde Vivien Guéant, administrateur du forum spécialisé lafibre.info. De possibles "complicités" au sein d'organismes ayant accès à des informations ne sont donc pas à écarter selon Michel Combot - chez les opérateurs notamment -, mais "seule l'enquête pourra confirmer" cela, indique-t-il prudemment.

"Cela arrive quand un opérateur souhaite s'assurer que les deux routes dont il dispose passent par deux endroits bien distincts : si l'une est en panne, l'autre fonctionne toujours. Pour cela, il a besoin des deux tracés précis des câbles", explique Vivien Guéant.

Les motivations des auteurs demeurent inconnues

L'autre raison de l'inquiétude tient au mystère entourant les motivations des auteurs. Aucune revendication de cet acte n'a pour le moment été formulée par un quelconque groupe. Le flou est total. "On ignore encore si c'est le câble ou un opérateur qui a été visé", souffle également le directeur général de la FFT. Même la piste menant à un acte délibéré vers Free, le plus concerné mercredi, apparaît peu vraisemblable.

La détermination des auteurs, elle, ne fait aucun doute. En témoignent les clichés publiés sur le compte officiel du réseau Free, sur Twitter, et la coupure "nette" des épais câbles fibre.

Des câbles difficiles à sécuriser

Enfin, une récidive n'est pas à écarter. En effet, il est aujourd'hui très difficile de pouvoir surveiller "des dizaines de milliers de kilomètres de câbles", observe Michel Combot, qui estime par ailleurs que la "sur-sécurisation pourrait être contreproductive, et finalement attirer l'attention sur ces chambres [NDLR : endroits qui accueillent les câbles], qui sont déjà censées être cachées et difficiles d'accès, le long des autoroutes ou des voies ferrées". Plusieurs techniques existent pourtant. "Pour les endroits sensibles où des vols de cuivre ont lieu régulièrement, des ensablements sont effectués", note Vivien Guéant. Mais évidemment, cela rajoute un travail de déblaiement préalable à chaque intervention de techniciens. Impensable.

Reste les bonnes vieilles méthodes. "Il est évidemment impossible de surveiller ces câbles surtout au coeur de zones rurales. Il faut donc rester vigilant et toujours remarquer des signes anodins parfois (camions équipés, des gens qui interviennent en pleine nuit à des endroits inhabituels, etc.) et prévenir la police ou la gendarmerie en contactant le 112", veut croire Nicolas Guillaume, de Netalis.

Une fois de plus, la FFT est dubitative. "Toutes les autorités locales ne jouent pas le jeu. Parfois, le recueil des preuves prend plusieurs semaines", selon son directeur général. La fédération préfère donc miser sur la dissuasion. "Nous réitérons notre appel au futur gouvernement d'intensifier la lutte et la prévention contre ces actes de vandalisme et nous appelons à durcir les sanctions pénales à l'encontre de leurs auteurs", a plaidé mercredi, dans un communiqué, Arthur Dreyfuss, le président de la Fédération française des télécoms, disant avoir "alerté les pouvoirs publics depuis de nombreux mois sur la recrudescence d'actes de malveillance sur [leurs] infrastructures", dont les "antennes-relais".

"On aimerait que la peine encourue pour les dégradations sur ces infrastructures soit plus dissuasive et passe de 2 à 5 ans de prison", complète Michel Combot. "Il faut comprendre que cela a une conséquence sur la vie économique de nombreux citoyens", justifie-t-il. Qu'il se rassure : la peine encourue pour une "atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation" - retenue par le parquet de Paris dans son enquête - est quant à elle punie de quinze à vingt ans de réclusion criminelle.

Source : L’Express

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