Burkina Faso : deux journalistes libérés après une réquisition controversée
- malikunafoninet
- 24 juil.
- 2 min de lecture

Après quatre mois d’une détention déguisée sous le sceau de la mobilisation générale, deux figures de la presse burkinabè ont enfin retrouvé la liberté. Un épisode révélateur du climat tendu dans lequel évolue la liberté d’expression au pays des Hommes intègres.
Guezouma Sanogo, président de l’Association des journalistes du Burkina Faso (AJB), et Phil Roland Zongo, journaliste à Femina FM, ont réintégré la vie civile à Ouagadougou, au terme d’une longue et opaque réquisition imposée depuis mars 2025. Officiellement engagés dans le cadre de la mobilisation générale décrétée par les autorités militaires, leur assignation avait en réalité suscité de nombreuses interrogations sur son fondement réel.
Quelques jours avant leur arrestation, tous deux avaient dénoncé, lors d’un congrès professionnel, les restrictions imposées à la presse nationale et la disparition de plusieurs confrères. C’est dans ce contexte qu’ils ont été interpellés, sans présentation de mandat, ni communication claire sur leur situation, laissant leur entourage sans nouvelles durant plusieurs semaines.
Une dérive dénoncée par la profession
Pour plusieurs observateurs, cette réquisition prend des allures de représailles déguisées. Des organisations de défense de la liberté de la presse, dont Reporters sans frontières, estiment que ces journalistes ont été ciblés non pour répondre à un besoin militaire, mais pour avoir exercé leur droit de critique face à une dérive autoritaire croissante. Le pouvoir en place est régulièrement accusé d’utiliser le cadre juridique de la mobilisation générale pour faire taire les voix jugées dissidentes.
Sanogo et Zongo ne sont d’ailleurs pas des cas isolés. D’autres journalistes, comme Boukari Ouoba de l’AJB, Luc Pagbelguem de la chaîne BF1 ou encore le chroniqueur Kalifara Séré, ont connu des arrestations similaires, certains disparaissant pendant plusieurs mois sans explication. Tous ont été relâchés récemment, dans un contexte où la pression sur les médias reste palpable.
Une liberté fragilisée par l’état de guerre
Le décret de mobilisation générale, mis en œuvre en avril 2023 pour faire face à la menace terroriste, autorise l'engagement de civils dans des tâches liées à la défense nationale. Toutefois, son application semble glisser vers une instrumentalisation politique, avec une inquiétante tendance à faire taire les critiques sous couvert d’effort patriotique.
Dans un pays confronté à de graves défis sécuritaires, cette situation soulève une question fondamentale : comment concilier la lutte contre l’extrémisme violent et la préservation des libertés fondamentales ? Pour une grande partie de la société civile burkinabè, le respect de la liberté de la presse ne saurait être sacrifié, même en temps de crise.
L’appel à une vigilance collective
La libération de Sanogo et Zongo, bien qu’accueillie avec soulagement, ne marque pas la fin des inquiétudes. Plusieurs journalistes restent introuvables ou affectés à des zones de conflit sans statut juridique clair. Face à cette réalité, les appels se multiplient pour que la transparence soit faite sur chaque cas, et pour que la mobilisation nationale ne devienne pas un outil de coercition.
Dans un contexte régional marqué par l’érosion démocratique, le Burkina Faso est observé de près. Le respect des droits, y compris celui d’informer librement, reste un indicateur essentiel de la volonté réelle des autorités de bâtir un État résilient, fondé sur l’État de droit et la justice.
Oura KANTÉ
Malikunafoni










































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