Soumaoro Kanté : Le roi-sorcier du Sosso, adversaire mythique de Soundiata Keïta.
- malikunafoninet
- 24 juin
- 3 min de lecture

Figure redoutée de l’Afrique médiévale, Soumaoro Kanté – également appelé Soumaworo ou Soumaoro Diarrasso – reste l’un des personnages les plus marquants de l’épopée mandingue. Roi du royaume de Sosso au XIIIe siècle, il est surtout connu comme le rival historique de Soundiata Keïta, futur fondateur de l’empire du Mali. Son règne, entouré de légendes, mêle exploits militaires et pouvoirs surnaturels.
Un roi aux origines énigmatiques
Selon la tradition orale rapportée par Camara Laye ou encore Djibril Tamsir Niane, Soumaoro Kanté serait issu de la lignée des Diarrasso, une famille influente du royaume de Sosso. Sa naissance elle-même est entourée d’un mythe : ses trois mères successives auraient porté l’enfant chacune pendant trois mois, partageant les douleurs de l’accouchement final. Ce destin hors du commun semble préfigurer celui d’un être à part.
Dans certaines versions, son nom change selon les peuples : Soumaoro Diarrasso pour les Sosso, Soumaoro Kanté pour les Mandingues. Il écarte ses cousins du pouvoir pour s’emparer du trône de Sosso, initiant un règne aussi redoutable que
controversé.
Un règne sous le signe de la magie et de la terreur Soumaoro Kanté n’est pas un roi ordinaire. Doté de pouvoirs surnaturels selon l’épopée, il est présenté comme un sorcier tout-puissant, invulnérable et craint dans toute la région. Il posséderait soixante-trois totems, lui permettant de changer de forme à volonté, ainsi qu’un balafon magique, que Balla Fasséké, le griot de Soundiata, aurait joué lors de sa captivité à Sosso.
Dans la version de l’épopée transmise par Youssouf Tata Cissé, Soumaoro tire son armée magique d’un pacte noué par sa sœur Kangouba avec des êtres surnaturels. Cette version offre un éclairage plus nuancé du personnage : jeune, il se serait opposé à l’esclavage imposé par les rois du Manden et aurait vu son ascension entravée par le mépris social lié à sa naissance de forgeron. Ce rejet expliquerait, selon les griots, sa vengeance contre le Manden. Dans sa capitale, il fait bâtir une tour de sept étages, gardée par des créatures mystiques : un serpent géant et deux hiboux noirs. Les récits le décrivent comme un roi isolé, vivant dans un palais décoré de peaux humaines et de têtes de rois ennemis, lui valant le surnom de "roi intouchable".
Une domination militaire sans pitié
Stratège militaire redoutable, Soumaoro étend son autorité sur plusieurs royaumes d’Afrique de l’Ouest. Il soumet le Wagadou (ancien empire du Ghana), puis le royaume de Diaghan, avant de s’attaquer au Manden, où règne Dankaran Toumani, frère de Soundiata Keïta. Sous la menace, Dankaran se soumet et offre sa sœur Nâna Triban en mariage à Soumaoro.
Mais ce roi despotique finit par commettre une faute lourde : il s’empare de Kéléya Kanko, épouse de son propre général, Fakoli Koroma, provoquant sa trahison. Kéléya, dotée de pouvoirs magiques, était capable à elle seule de nourrir une armée entière. Ce geste pousse Fakoli à se rallier à Soundiata.
La chute du roi-sorcier
Le 30 avril 1235, la bataille décisive de Kirina oppose les forces de Soumaoro à celles de Soundiata Keïta, qui a rassemblé une large coalition mandingue. Selon la légende, Soundiata parvient à blesser Soumaoro avec une flèche munie d’un ergot de coq blanc, seule arme capable de le toucher.
Vaincu, Soumaoro s’enfuit. Traqué par Soundiata, il disparaît dans une faille rocheuse des montagnes de Koulikoro, mettant fin à son règne de terreur. Sa défaite ouvre la voie à l’avènement de l’empire du Mali, unifiant la région sous l’autorité du « Mansa » Soundiata.
Un personnage entre mythe et mémoire
Soumaoro Kanté demeure l’un des personnages les plus ambigus de l’épopée ouest-africaine. Tantôt tyran sanguinaire, tantôt héros déchu trahi par la société, il incarne les tensions entre magie, pouvoir, justice et légitimité dans l’histoire mandingue. À travers ses multiples visages, il symbolise un pan complexe et fascinant de la mémoire collective africaine.
Haoua Sangaré
Malikunafoni
Commentaires