Côte d’Ivoire : Gbagbo relance la bataille de la vérité en saisissant de nouveau la CPI
- malikunafoninet
- il y a 20 heures
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« La vérité est une condition de la paix ». Par ces mots, Laurent Gbagbo a choisi de relancer un débat que beaucoup pensaient refermé : celui des responsabilités dans la décennie de crises qui a fracturé la Côte d’Ivoire entre 2002 et 2011. Dans une lettre rendue publique le 8 décembre, l’ancien chef de l’État annonce avoir mandaté son avocat, Me Emmanuel Altit, afin de demander à la Cour pénale internationale (CPI) de rouvrir l’ensemble des dossiers liés au conflit ivoirien.
Un geste lourd de symboles, publié le jour de l’investiture d’Ouattara
La chronologie n’a rien d’innocent. Alors qu’Alassane Ouattara prête serment pour un quatrième mandat qu’il a toujours contesté, Laurent Gbagbo remet sur la table les zones d’ombre qui entourent la rébellion de 2002, les violences de la crise post-électorale de 2010 et la responsabilité de plusieurs acteurs politiques et militaires.
Pour lui, la justice internationale ne peut se limiter à son propre procès, clos par son acquittement définitif en 2021. « Tant qu’un fait n’est pas jugé totalement, il devient une injustice », écrit-il.
Deux décennies de crises revisitées
· Dans son courrier, Gbagbo déroule une relecture chronologique de sa gouvernance et des événements qui ont plongé le pays dans l’instabilité :
· Le charnier de Yopougon en 2000 et les procès inaboutis ;
· Les attaques armées de septembre 2002, qu’il estime coordonnées depuis le Burkina Faso ;
· L’éclatement du territoire entre un sud tenu par le gouvernement et un nord contrôlé par la rébellion ;
· Les médiations successives – Marcoussis, Pretoria, Accra – qui peinent à réunifier la Côte d’Ivoire ;
· L’accord de Ouagadougou de 2007 comme étape de normalisation, marqué par la « Flamme de la paix » à Bouaké.
Il revient avec insistance sur l’élection de 2010, organisée selon lui sous pression internationale malgré l’absence de désarmement préalable. La double proclamation de résultats, l’intervention militaire française et onusienne, puis son arrestation le 11 avril 2011 constituent, dans sa logique, un tournant où la communauté internationale aurait basculé d’un rôle d’arbitre à celui de protagoniste.
Des questions restées sans réponses, selon Gbagbo
Le cœur de son message tient en une série d’interrogations visant à éclairer ce qu’il présente comme les angles morts de l’histoire récente :
Qui a financé et organisé la rébellion de 2002 ?
· Pourquoi le désarmement n’a-t-il pas été assuré avant la présidentielle de 2010 ?
· Qui porte la responsabilité du massacre des populations Wê dans l’ouest du pays ?
· Pourquoi aucun autre acteur du conflit n’a été poursuivi par la CPI ?
En citant plusieurs anciens chefs rebelles et en évoquant les pressions internationales, Gbagbo soutient que les responsabilités ont été « partiellement établies », au détriment d’une analyse globale du conflit.
Une nouvelle saisine de la CPI pour une enquête plus large
La démarche qu’il annonce vise à solliciter une instruction élargie. Il souhaite que soient examinées les violences commises par l’ensemble des protagonistes, y compris des groupes aujourd’hui proches du pouvoir. Déjà en 2021, ses partisans avaient plaidé pour un élargissement des poursuites. Cette fois, c’est l’ancien Président lui-même qui porte l’initiative, au nom des victimes qui « attendent encore justice ».
Un appel à la réconciliation par la vérité
En concluant sa lettre par un « J’ai fait ma part. J’espère que tous les autres feront leur part », Laurent Gbagbo entend replacer la justice transitionnelle au cœur du débat politique ivoirien. À l’heure où les discours sur la réconciliation peinent à convaincre une partie de l’opinion, sa sortie pourrait provoquer de nouvelles réactions, voire réactiver des tensions que le pays tente encore d’apaiser.
Reste à savoir si cette démarche entraînera une réponse judiciaire internationale ou si elle restera un geste politique destiné à rappeler que l’histoire de la crise ivoirienne est, pour l’heure, inachevée.
Oura KANTE
Malikunafoni










































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