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Sénégal : les privilèges des DG de sociétés publiques en décalage avec la crise

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« On nous demande de serrer la ceinture, mais certains vivent comme des rois », fulmine Mamadou Diop, enseignant à la retraite croisé à Pikine. Dans un contexte économique marqué par la dégradation de la note souveraine du Sénégal et le gel d’un nouvel accord avec le FMI, la question des rémunérations des directeurs généraux de sociétés publiques revient avec force dans le débat national.

 

Un encadrement à géométrie variable

 

Sous Macky Sall, l’État avait tenté de limiter les excès en fixant un plafond de 5 millions FCFA pour les dirigeants d’agences de catégorie 1, assorti de primes et indemnités encadrées. Mais ce mécanisme ne s’est jamais étendu aux sociétés publiques, laissant place à des pratiques disparates. Selon plusieurs sources, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Fadilou Keita, percevrait jusqu’à 7 millions FCFA par mois, bien au-dessus des 4,8 millions du président de la République.

 

Pour Ndèye Arame Gaye, économiste à Dakar, « l’absence de cadre légal précis a ouvert la voie à une liberté totale de fixation des salaires, souvent déconnectée de la réalité économique du pays ».

 

Quand les sociétés publiques surclassent l’État

 

Ces rémunérations dépassant celles des ministres ou du Premier ministre alimentent l’indignation. « Je crée de l’emploi et je paie mes impôts, mais je découvre que des DG de sociétés déficitaires touchent 7 ou 8 millions par mois. Où est la justice ? », interroge Matar Sarr, entrepreneur.

 

Au-delà des salaires, les indemnités de départ font scandale. En 2020, Me Moussa Diop, ex-patron de Dakar Dem Dikk, aurait obtenu un accord de 120 millions FCFA à son départ, une somme choquante pour une entreprise lourdement déficitaire et subventionnée par l’État. À titre de comparaison, un ministre ne peut espérer au mieux que six mois de salaire, soit environ 23 millions FCFA.

 

Une attente forte vis-à-vis du nouveau régime

 

Élus sur la promesse de rupture, le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko sont attendus sur ce terrain. Jusqu’ici, aucune mesure n’a été annoncée pour plafonner ou contrôler les rémunérations des patrons des sociétés publiques. « La légitimité de ce pouvoir dépendra de sa capacité à traduire ses engagements en actes concrets », avertit l’analyste politique Cheikh Fall.

 

Le silence autour des salaires dans des structures clés comme l’APIX, l’ARTP ou la LONASE est perçu par certains comme un refus de transparence. « Ces sociétés sont financées par l’argent public. Une loi encadrant les rémunérations s’impose », insiste Aminata Ndiaye, étudiante.

 

Le défi de la cohérence

 

Pour Pape Samba Koné, économiste à Saint-Louis, le risque est clair : « Tant que l’élite continue à s’auto-servir, les appels à la rigueur resteront sans effet. La rationalisation doit être visible et mesurable ».

 

À l’heure où l’État appelle les Sénégalais à soutenir le « Plan Sénégal 2050 », les citoyens réclament un signe fort. La question est désormais posée : les prochains décrets présidentiels mettront-ils fin au train de vie doré des DG de sociétés publiques, ou prolongeront-ils une tradition que beaucoup jugent indécente ?

 

Oura KANTÉ

Malikunafoni

 

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