Sénégal : les premiers nuages au sommet de l’État entre Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko
- malikunafoninet
- 13 nov.
- 3 min de lecture

« Le Président a publiquement désavoué son Premier ministre », estime le politologue Moussa Diaw. Cette phrase résume à elle seule la tension qui s’installe au sommet de l’État sénégalais. En écartant Aïda Mbodj de la coordination de la coalition Diomaye Président pour y nommer Aminata “Mimi” Touré, le chef de l’État Bassirou Diomaye Diakhar Faye a surpris jusque dans son propre camp.
Derrière ce remaniement présenté comme une simple réorganisation politique, beaucoup perçoivent un bras de fer discret mais réel avec le Premier ministre Ousmane Sonko, compagnon de lutte devenu chef de gouvernement.
Une décision qui sonne comme un avertissement
Selon le communiqué présidentiel du 11 novembre 2025, cette décision viserait à relancer une coalition en proie à « la léthargie et aux divisions internes ». Mais le ton officiel masque mal une réaffirmation d’autorité de la part d’un président jusqu’ici réputé mesuré.
Pour plusieurs observateurs, cette nomination inattendue traduit un tournant stratégique : Diomaye Faye veut s’émanciper de l’ombre politique d’Ousmane Sonko, figure charismatique du camp du changement. Le chef de l’État, discret depuis son élection, cherche désormais à imposer son tempo et à clarifier les rapports de force au sein du pouvoir exécutif.
Mimi Touré, un retour lourd de symboles
Le choix de Mimi Touré n’est pas anodin. Ancienne Première ministre et stratège politique aguerrie, elle avait joué un rôle clé dans la campagne présidentielle victorieuse de 2024. Son profil d’administratrice expérimentée rassure une partie de l’appareil d’État, mais divise la base militante du Pastef, le parti fondé par Sonko.
Le Premier ministre aurait préféré le maintien d’Aïda Mbodj, jugée plus proche des idéaux du mouvement. Cette mise à l’écart alimente donc les soupçons de marginalisation progressive de Sonko au sein du dispositif présidentiel.
L’équilibre fragile d’un tandem inédit
L’alliance Sonko-Diomaye est née de la répression politique du premier et de la loyauté du second. Ensemble, ils ont incarné l’espoir d’une alternance apaisée et d’une gouvernance éthique. Mais cette complémentarité pourrait se transformer en dualité politique : d’un côté, un président institutionnel cherchant à consolider son autorité ; de l’autre, un Premier ministre mobilisateur, toujours en prise avec la rue et ses réseaux militants.
Les analystes redoutent désormais une crise de confiance entre la présidence et la primature, alors que le pays attend encore les effets concrets des réformes promises en matière d’emploi, de coût de la vie et de justice sociale.
Une bataille pour le leadership du pouvoir
Pour le politologue Babacar Ndiaye, cette décision pourrait aussi traduire une anticipation politique du chef de l’État : « En repositionnant Mimi Touré, Diomaye Faye se projette déjà dans la perspective de 2029. Il cherche à maîtriser la communication et à structurer son propre appareil politique. »
Cette hypothèse trouve un écho dans le communiqué présidentiel évoquant la « vulgarisation positive de l’action du gouvernement ». Autrement dit, une coalition réorientée vers la promotion du bilan présidentiel, plutôt que vers la cogestion avec le Premier ministre.
Vers une fracture ou un rééquilibrage ?
Cette séquence politique pourrait être interprétée de deux manières : soit comme le début d’une rivalité ouverte entre les deux têtes de l’exécutif, soit comme une tentative de rééquilibrage du pouvoir au profit du président.
Quoi qu’il en soit, le symbole est fort : pour la première fois depuis leur arrivée au pouvoir, Diomaye Faye et Ousmane Sonko affichent publiquement leurs divergences. Une situation qui, si elle s’aggrave, pourrait fragiliser l’élan de confiance né de leur victoire commune.
À l’heure où les Sénégalais attendent des réformes sociales concrètes, l’exécutif semble absorbé par ses propres tensions internes. Reste à savoir si cette alliance de circonstance saura retrouver son unité, ou si l’histoire politique du Sénégal retiendra ce moment comme le premier acte d’une séparation annoncée.
Oura KANTÉ
Malikunafoni










































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