Remaniement au sommet : la coalition de Diomaye Faye face à son premier test majeur
- malikunafoninet
- 14 nov.
- 4 min de lecture

« Il faut que chacun sache où s’arrête son rôle », glisse une source proche de la majorité, comme pour résumer l’atmosphère électrique qui entoure la récente réorganisation politique au Sénégal. Depuis la nomination d’Aminata Touré à la tête de la conférence des leaders de la coalition « Diomaye Président », la jeune alternance traverse sa première secousse interne — une tension révélatrice des rapports de force à l’intérieur du pouvoir exécutif.
Un changement qui rebat les cartes
Annoncée le 11 novembre, la décision du président Bassirou Diomaye Faye a eu l’effet d’un électrochoc. En remplaçant Aïda Mbodj par l’ancienne cheffe du gouvernement, figure expérimentée mais parfois clivante, le chef de l’État semble avoir voulu reprendre la main sur une coalition largement façonnée par la popularité d’Ousmane Sonko.
Dans plusieurs quartiers de Dakar, la mesure alimente discussions et hypothèses. Pour une partie de l’opinion, Diomaye Faye cherche avant tout à réaffirmer la centralité de la Présidence dans un dispositif politique longtemps dominé par la figure charismatique de Sonko.
« Le Président veut ramener la coalition à un fonctionnement institutionnel, loin des réflexes militants », analyse Aïssatou Diallo, enseignante, selon qui l’exécutif tente de sortir d’une organisation où tout gravite autour du Premier ministre.
Un duo fragilisé aux yeux de certains citoyens
D’autres Sénégalais vivent au contraire la décision comme un signal d’alerte. Cheikh Diop, chauffeur de taxi, y voit un « mauvais présage » pour l’unité affichée par le tandem formé en 2024. « On a voté pour une équipe soudée. Aujourd’hui, on sent un tiraillement qui rappelle les pratiques d’avant », regrette-t-il, inquiet d’un possible ralentissement sur les priorités sociales comme la vie chère ou l’emploi.
Dans les rangs du Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, les réactions demeurent contrastées : entre ceux qui saluent un recentrage institutionnel et ceux qui redoutent une mise à l’écart progressive de leur leader, la ligne interne n’apparaît plus totalement homogène.
Mimi Touré, l’atout institutionnel ou le pari risqué ?
Si certains saluent l’arrivée de Mimi Touré comme un acte d’autorité réfléchi, d’autres y voient un calcul politique risqué. Sur les réseaux sociaux, les commentaires oscillent entre humour et inquiétude, tant la nomination renvoie à d’anciennes configurations politiques et à l’image d’un pouvoir en recomposition.
« C’est une décision courageuse », estime toutefois Marième Kane, entrepreneure. Pour elle, la coalition avait besoin d’un profil aguerri aux mécanismes de l’État. « On change de phase : on quitte l’effervescence militante pour la gestion. C’est normal que cela crée des frictions. »
À l’inverse, Moussa Sarr, étudiant, juge le timing « désastreux ». Il estime que la méthode employée contredit la promesse de gouvernance collective portée par le duo Sonko–Diomaye. « Cela peut fissurer la confiance populaire », prévient-il.
La bataille silencieuse de l’architecture du pouvoir
Dans les milieux politiques et médiatiques, le débat se cristallise sur la question de la « dualité du pouvoir » entre la Présidence et la Primature. L’absence de réaction publique du chef de l’État depuis l’annonce nourrit les spéculations, tandis que les déclarations du Pastef, opposées à la décision, confirment que le désaccord n’est pas purement théorique.
Pour de nombreux analystes, le remaniement marque une étape clé : il clarifie le souhait de Diomaye Faye d’affirmer son autorité personnelle et de se détacher progressivement de l’ombre de Sonko, figure historique de la contestation.
L’économiste Abdoulaye Ba va plus loin : selon lui, cette réorganisation prépare les équilibres politiques de l’après-2029. « Diomaye cherche à installer sa propre légitimité. C’est stratégique, mais potentiellement inflammable », observe-t-il.
Un moment charnière pour la jeune alternance
Pour la journaliste indépendante Fatou Mbaye, cette séquence représente « le premier test de maturité » du pouvoir issu de l’alternance. Le pays, encore marqué par les tensions préélectorales de 2023, n’a pas intérêt à voir s’installer une rivalité institutionnelle durable.
« Les Sénégalais attendent des résultats tangibles, pas une bataille d’ego », rappelle-t-elle.
Dans les hôpitaux, les écoles ou les marchés, beaucoup partagent ce sentiment. Awa Ndiaye, infirmière, confie son appréhension : « Nous avons besoin d’unité. Les deux hommes doivent se parler, clarifier leurs rôles et aller de l’avant. »
Quelles conséquences pour la coalition ?
L’avenir de « Diomaye Président » dépendra désormais de la capacité du chef de l’État et de son Premier ministre à transformer cette tension en dialogue constructif. Si l’arrivée de Mimi Touré permet de stabiliser le fonctionnement de la coalition, le remaniement pourrait devenir un levier de gouvernance. Dans le cas contraire, il risque d’affaiblir une alternance qui se voulait exemplaire.
Au Sénégal, où la stabilité démocratique reste un repère essentiel, l’épisode ne se résume pas à une simple redistribution interne : il redéfinit les contours du pouvoir dans un système en transition.
« Ce qui se joue, c’est la forme même du Sénégal nouveau », résume Aïssatou Diallo. Entre affirmation présidentielle, poids politique du Premier ministre et retour d’une figure d’expérience, le pays entre dans une phase décisive où chaque geste comptera.
Oura KANTÉ
Malikunafoni










































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