Procès des équipements militaires et de l’avion présidentiel : une justice en quête de crédibilité
- malikunafoninet
- 3 juin
- 2 min de lecture

« Ce dossier est le symbole d’une justice à double vitesse, où la loi semble s’appliquer selon les rapports de force du moment », lâche, amer, un avocat de la défense en sortant de la salle d’audience. Atmosphère lourde au sein de la Cour suprême où se poursuit, dans un climat de méfiance et de crispation, le procès tant médiatisé de l’avion présidentiel et des équipements militaires. Dossier réactivé sous la Transition, il symbolise pour beaucoup les dérives d’une justice instrumentalisée et d’une gouvernance peu transparente.
Fily Sissoko ramenée de son lit d’hôpital
L’image a choqué. L’ancienne ministre de l’Économie, Fily Sissoko, malade depuis plusieurs semaines, a été extraite de son lit d’hôpital pour comparaître. Son état de santé jugé préoccupant a toutefois contraint les juges à reporter l’audience, en attendant les conclusions d’une expertise médicale. Malgré tout, la machine judiciaire poursuit sa course, au mépris des garanties élémentaires selon la défense.
Un procès emblématique… et troublant
Annoncé comme le symbole de la lutte contre l’impunité, le dossier tourne depuis plusieurs mois à un feuilleton judiciaire sans fin. Depuis les premières audiences, l’accusation peine à convaincre. Témoignages fragiles, impréparation manifeste, procédures remises en question… les doutes planent. Même la comparution de figures comme l’ancien Premier ministre Moussa Mara n’a pas permis de clarifier les responsabilités.
L’ombre de l’affaire Sanogo
Pour les connaisseurs du système judiciaire malien, la réouverture du dossier n’est pas anodine. Elle intervient dans le sillage d’un arrangement judiciaire autour de l’affaire des « bérets rouges », qui aurait permis l’extinction de l’action publique contre des militaires inculpés, en échange de la relance du procès de l’avion présidentiel. Une forme de troc judiciaire qui soulève des questions éthiques et politiques.
Mamadou Camara, un cas d’école
Premier à tomber dans la nasse judiciaire : Mamadou Camara, ex-directeur de cabinet d’IBK. Incarcéré, puis libéré, il incarne à lui seul l’incertitude d’un dossier où les rôles politiques et administratifs se confondent. Pourtant, jamais l’ancien président IBK n’a été officiellement inquiété, alors même que les instructions venaient de sa présidence. Pour les défenseurs, cela illustre une justice sélective.
Le précédent Soumeylou
Soumeylou Boubèye Maïga, autre acteur clé du dossier, est décédé en détention sans avoir pu se défendre. Son inculpation, jugée irrégulière car échappant aux procédures prévues pour les anciens ministres, reste une tache sombre dans ce procès. D’autant plus que la Section administrative de la Cour suprême avait, dans une précédente décision, reconnu la validité des marchés en cause.
Une justice à géométrie variable ?
Au cœur du débat : l’absence de prise en compte des motivations politiques ayant justifié ces achats d’urgence. Pourquoi ignorer le rôle du pouvoir exécutif de l’époque dans les décisions incriminées ? Pourquoi faire porter le chapeau à des exécutants alors que les commanditaires échappent à toute responsabilité ? Une question cruciale, alors que la Transition promettait une refondation de la justice et de la gouvernance.
Le procès, censé être un exemple de rigueur judiciaire, laisse aujourd’hui l’image d’un tissu de procédures incertaines, sur fond de règlements de comptes politiques. Au final, plus qu’un procès de faits, c’est bien la crédibilité de l’appareil judiciaire qui se joue devant l’opinion.
Par
Oura KANTÉ
Malikunafoni










































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