François Mitterrand, architecte involontaire de la Françafrique moderne ?
- malikunafoninet
- 2 juil.
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« Les fantômes de la colonisation ont eu raison d’une rupture qui aurait probablement changé l’histoire », conclut un universitaire lors de la conférence de présentation de l’ouvrage François Mitterrand, le dernier empereur à Paris. Une réflexion lucide sur un héritage postcolonial encore brûlant.
Alors que le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont successivement rompu avec la France à travers des coups d’État militaires entre 2021 et 2023, la question de l’héritage postcolonial français en Afrique ressurgit. Au cœur de cette mémoire, le double mandat de François Mitterrand (1981-1995) apparaît comme un moment clé où une rupture réelle avec la « Françafrique » aurait été possible… mais ne s’est jamais produite.
Porté par un programme commun de la gauche en faveur de l’émancipation des pays africains, Mitterrand arrive au pouvoir avec l’image d’un homme ouvert à un nouveau partenariat. Il nomme Jean-Pierre Cot au ministère de la Coopération, censé réorienter les relations vers plus de transparence et de respect des souverainetés. Mais très vite, les vieilles logiques reprennent le dessus : la cellule africaine de l’Élysée — dirigée un temps par Jean-Christophe Mitterrand, fils du président — continue de gérer les relations avec les dirigeants africains, loin de tout contrôle parlementaire.
Les promesses de refondation sont freinées par un passé colonial lourd. Mitterrand fut ministre de la France d’outre-mer, ministre de l’Intérieur puis de la Justice pendant la guerre d’Algérie. Il ne fut jamais un anticolonialiste, bien au contraire. Son engagement passé en faveur de l’Empire rejaillit sur sa pratique du pouvoir : derrière les discours de soutien à la démocratie, les liens opaques se maintiennent, les réseaux d’influence perdurent, et les bases militaires françaises restent en place.
Paradoxalement, les années Mitterrand correspondent à une poussée démocratique en Afrique francophone, alimentée par les revendications populaires — au Mali, au Burkina Faso ou au Niger — et non par une volonté politique forte de Paris. Aujourd’hui, ces pays sont à la tête d’un mouvement de rupture avec l’ancien système, qui fait vaciller les derniers piliers de la Françafrique.
Loin d’avoir été un tournant, la politique africaine de Mitterrand apparaît, avec le recul, comme une continuité : celle d’une relation inégalitaire, marquée par la nostalgie d’un empire révolu et l’incapacité à se réinventer. Une opportunité manquée, dont les conséquences résonnent encore dans l’Afrique d’aujourd’hui.
Oura KANTÉ
Malikunafoni










































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