Affaire Bolloré : la justice française face à l’ombre des ports africains
- malikunafoninet
- 8 nov.
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Une décennie d’enquête sur les ports de Lomé et Conakry. Le 6 novembre 2025, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a confirmé la procédure visant Vincent Bolloré, ouvrant la voie à un procès public pour corruption d’agent public étranger et abus de confiance.
L’enquête, ouverte en 2013, s’intéresse à l’attribution de deux concessions majeures : le port de Lomé au Togo et celui de Conakry en Guinée. Entre 2009 et 2011, les enquêteurs soupçonnent le groupe Bolloré, via sa filiale Havas, d’avoir mis son expertise en communication politique au service de dirigeants africains en échange de contrats portuaires stratégiques.
Au Togo, cette influence présumée coïncide avec la réélection de Faure Gnassingbé en 2010. En Guinée, elle suivrait de près l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé. Le schéma, s’il était confirmé, illustrerait un mélange d’intérêts politiques et économiques qui a longtemps nourri le concept de Françafrique.
La justice avance, la défense contre-attaque
Le groupe Bolloré avait déjà accepté en 2021 une amende de 12 millions d’euros dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public. Mais Vincent Bolloré lui-même, qui avait tenté un plaider-coupable, s’était vu opposer un refus du tribunal, estimant les faits trop graves pour échapper à un débat public.
L’arrêt rendu cette semaine confirme les conclusions du Parquet national financier (PNF), tout en écartant certaines pièces considérées comme attentatoires à la présomption d’innocence.
Pour la défense, menée par Me Olivier Baratelli, la décision reste « profondément injuste » et fera l’objet d’un pourvoi en cassation. Les avocats dénoncent un « procès d’intention » visant un homme dont les activités africaines ont pourtant été cédées en 2022 à MSC pour 5,7 milliards d’euros.
Au-delà du procès, la question de la restitution
Si le volet judiciaire monopolise l’attention, le dossier prend une tournure inédite avec la plainte déposée en mars 2025 par un collectif d’ONG africaines et européennes. Leur objectif : obtenir la restitution aux populations locales des bénéfices qu’elles jugent « indûment perçus » dans le cadre des concessions portuaires.
Une démarche qualifiée par certains d’« affaire des biens mal acquis à rebours », où il ne s’agirait plus de récupérer des fortunes détournées par des dirigeants africains, mais de restituer des profits engrangés par des entreprises étrangères au détriment du continent.
Un tournant pour la justice économique franco-africaine
L’affaire Bolloré dépasse désormais la seule figure de l’industriel breton. Elle interroge la capacité de la justice française à poursuivre ses propres multinationales pour des faits commis à l’étranger, un terrain où les condamnations demeurent rares.
Surtout, elle relance un débat fondamental : celui de la transparence dans la gestion des infrastructures stratégiques africaines et du partage équitable des bénéfices économiques.
Quel que soit le verdict final, cette affaire pourrait bien redessiner les contours des relations économiques entre la France et l’Afrique — un héritage de la Françafrique que la justice semble, pour la première fois, décidée à examiner à visage découvert.
Oura KANTÉ
Malikunafoni










































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