Sommet d’Alger 2025 : l’Afrique resserre les rangs autour de la question des réparations coloniales
- malikunafoninet
- il y a 3 jours
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« L’Afrique ne réclame pas la charité : elle exige justice. »
Cette phrase entendue dans les couloirs du Centre international des Conférences d’Alger résume l’esprit qui anime la Conférence internationale sur les crimes du colonialisme, ouverte le 30 novembre dans la capitale algérienne. Pour deux jours, Alger devient l’épicentre d’un chantier politique majeur : la construction d’une position africaine unifiée autour des réparations dues par les anciennes puissances coloniales.
Un sommet qui marque un basculement politique
Organisée par l’Union africaine (UA), cette rencontre s’inscrit dans le cadre de l’« Année des réparations 2025 », thème adopté en février dernier lors du sommet d’Addis-Abeba. La décision 903(XXXVIII), portée par le président Abdelmadjid Tebboune, confie à l’Algérie une mission stratégique : rassembler juristes, historiens, diplomates et représentants de la diaspora pour établir une plateforme commune de revendications.
L’objectif est clair : passer de la mémoire morale à l’exigence juridique, en qualifiant le colonialisme, l’esclavage et l’apartheid comme crimes contre l’humanité, et en préparant un cadre de demandes adressées collectivement aux anciennes métropoles européennes.
Alger réactive son héritage de capitale révolutionnaire
Le choix de l’Algérie n’a rien d’anodin. Depuis 1962, le pays a construit une identité diplomatique fondée sur le soutien aux luttes de libération. Le souvenir du Festival panafricain de 1969 reste une référence pour de nombreux participants. À l’époque, des figures comme Amílcar Cabral ou les Black Panthers avaient fait d’Alger un lieu emblématique de la solidarité anti-impérialiste.
En accueillant ce sommet, la capitale revendique cet héritage : devenir aujourd’hui le moteur d’un nouveau moment panafricain, non plus centré sur la libération politique, mais sur la justice matérielle et la reconnaissance des crimes coloniaux.
Vers un front commun africain pour les réparations
Au-delà de la symbolique, les États africains entendent élaborer une stratégie coordonnée. Les discussions portent sur plusieurs volets :
· Juridique : reconnaissance internationale du colonialisme comme crime contre l’humanité.
· Économique : compensations pour les richesses extraites durant la période coloniale.
· Patrimonial : restitution des œuvres d’art, archives et restes humains conservés en Occident.
· Mémoriel : excuses officielles, réécriture des récits historiques et décolonisation des programmes scolaires.
· Diplomatique : intégration de la question des réparations dans les négociations sur la dette et le climat.
L’enjeu est d’autant plus important que plusieurs États européens restent réticents à assumer la dimension financière de ces revendications. L’un des défis d’Alger 2025 consiste précisément à rompre avec la dispersion actuelle des demandes pour imposer une parole collective.
Un rendez-vous qui pourrait redessiner les rapports avec l’Europe
En qualifiant récemment les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata de « génocidaires », Alger a donné le ton : l’heure n’est plus aux demi-mesures. Le sommet cherche désormais à transformer ces déclarations en instruments juridiques et diplomatiques, capables de peser dans les instances internationales.
La conclusion des travaux est attendue avec attention. Un document final doit servir de base aux futures négociations avec les anciennes puissances coloniales, mais aussi aux plaidoyers devant l’ONU ou d’éventuels tribunaux internationaux.
Une nouvelle étape du panafricanisme juridique
Si le Festival panafricain de 1969 avait fait d’Alger une scène culturelle révolutionnaire, le sommet de 2025 pourrait ouvrir un autre chapitre : celui d’une offensive panafricaine structurée autour du droit international. L’UA espère ainsi envoyer un signal clair : le temps du symbolique touche à sa fin, et l’Afrique entend désormais faire valoir ses droits avec des outils juridiques et politiques.
La prochaine étape sera décisive : transformer le consensus d’Alger en actions concrètes, capables de redéfinir durablement la relation entre l’Afrique et les anciennes puissances coloniales.
Oura KANTÉ
Malikunafoni










































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