Manipulations médiatiques : quand l’algorithme devient une arme d’influence
- malikunafoninet
- 24 nov.
- 3 min de lecture

« Dans la bataille médiatique, nous luttons pour conquérir les cœurs et les esprits », avertissait Ayman al-Zawahiri dès 2005. Vingt ans plus tard, ces mots résonnent avec une force nouvelle dans un monde où la circulation de l’information ne dépend plus seulement des médias, mais des algorithmes qui façonnent ce que chacun voit, partage et croit.
Un monde régi par la logique algorithmique
Le constat s’impose : celui qui maîtrise les codes des plateformes sociales oriente le récit dominant. Et contrôler le récit, c’est influencer l’opinion publique donc le pouvoir politique. Cette mécanique donne aux manipulations médiatiques une puissance inédite, transformant la désinformation en véritable arme stratégique.
Le précédent de Timisoara : une manipulation fondatrice
L’histoire a déjà montré à quel point une intox coordonnée peut renverser le cours d’un pays. En décembre 1989, des images macabres montrant des corps prétendument exhumés d’un charnier à Timisoara, en Roumanie, avaient bouleversé le monde. L’émotion provoquée fut telle qu’elle accéléra la chute du président Nicolae Ceausescu et l’exécution du couple présidentiel. Ce n’est qu’après coup que les Roumains découvrirent l’ampleur de la supercherie : il s’agissait d’un montage, aujourd’hui considéré comme l’une des premières grandes opérations modernes de déstabilisation médiatique.
La manipulation : un phénomène ancien, mais désormais amplifié
Depuis toujours, les sociétés produisent, retiennent ou déforment l’information pour servir des intérêts politiques ou militaires. Ce qui change aujourd’hui, c’est l’échelle. Avec la viralité offerte par les technologies numériques, une fausse information peut atteindre des millions de personnes en quelques minutes. Et une fois implantée, il devient presque impossible de la faire disparaître complètement, tant les contenus circulent et se dupliquent.
Le Mali, nouvelle cible d’un emballement médiatique
Ces derniers mois, plusieurs analyses alarmistes annonçant une supposée chute imminente de Bamako ont envahi les grands médias internationaux. Une situation qui rappelle étrangement l’épisode de novembre 2021, lorsque ces mêmes canaux avaient prédit la prise d’Addis-Abeba par les rebelles du Tigré. Le résultat est connu : des diplomates avaient quitté précipitamment le pays, et l’apocalypse annoncée ne s’est jamais produite.
Ces emballements montrent comment un récit faussé, relayé à grande échelle, peut créer un climat d’inquiétude, d’incertitude et parfois même précipiter des décisions internationales hâtives.
La stratégie des groupes extrémistes
Cette guerre de l’information n’est pas seulement le fait d’acteurs étatiques ou médiatiques. Elle est aussi devenue l’une des principales armes de groupes terroristes. Déjà dans les années 2000, Al-Qaïda avait compris la puissance de la sphère virtuelle. Daech en fera une arme redoutable : selon le Geneva Centre for Security Policy, sa propagande numérique lui aurait permis d’attirer plus de 18 000 combattants étrangers issus de près d’une centaine de pays.
Leur objectif est clair : exploiter les failles cognitives, manipuler les émotions et obtenir un avantage stratégique sans tirer un seul coup de feu.
Le réflexe critique, dernière ligne de défense
La désinformation prospère sur une faiblesse humaine : la tentation d’accepter et de partager des contenus sans les vérifier. Un réflexe qui peut transformer une rumeur en certitude collective, et une fausse alerte en panique généralisée.
Face à cela, la meilleure protection reste la vigilance. Prendre le temps de vérifier les sources, croiser les informations, refuser de relayer mécaniquement tout ce qui apparaît sur les réseaux. Car une information erronée, une fois diffusée, peut perturber durablement la perception d’un événement ou d’un pays.
Vers une nécessaire éducation à l’information
Dans un environnement saturé de contenus instantanés et d’algorithmes opaques, comprendre les mécanismes de manipulation n’est plus un luxe : c’est une nécessité démocratique. Les États, les médias et les citoyens doivent désormais renforcer leurs outils de vérification, sous peine de voir la vérité elle-même devenir un champ de bataille.
Oura KANTÉ
Malikunafoni










































Commentaires