Bénin : le journaliste Hugues Sossoukpè incarcéré, les inquiétudes s’amplifient autour de la liberté de la presse
- malikunafoninet
- il y a 1 jour
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Arrêté à Abidjan dans des conditions controversées, transféré au Bénin sans décision judiciaire ivoirienne, puis placé en détention à Ouidah sur décision de la CRIET, le journaliste Hugues Sossoukpè devient le symbole d’une affaire politico-judiciaire qui suscite une vague d’indignation, tant sur le plan national qu’international.
Le 14 juillet 2025, Comlan Hugues Sossoukpè, journaliste béninois exilé depuis quatre ans, a été officiellement placé sous mandat de dépôt par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), après sa comparution devant le juge des libertés. Ce dernier a retenu contre lui quatre chefs d’accusation, parmi lesquels l’apologie du terrorisme et l’incitation à la haine, des infractions graves que le concerné rejette en bloc.
Un transfert controversé depuis la Côte d’Ivoire
L’arrestation de Sossoukpè a eu lieu le 10 juillet à Abidjan, alors qu’il participait à un événement professionnel. Des individus en civil, se présentant comme des éléments de la gendarmerie ivoirienne, l’ont interpellé dans sa chambre d’hôtel avant de le conduire à l’aéroport. Il a ensuite été embarqué à bord d’un vol spécial à destination de Cotonou, sans être présenté à un juge local ni informé officiellement des motifs de son arrestation.
Cette opération, menée en dehors de tout cadre judiciaire apparent, a été dénoncée par de nombreuses organisations de défense des droits humains, qui parlent d’une extradition irrégulière. Reporters sans frontières, en première ligne dans cette affaire, a évoqué une action « choquante » et réclamé des explications des autorités concernées.
Un statut de réfugié ignoré
Réfugié au Togo depuis 2021, où il bénéficie d’une protection reconnue par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Sossoukpè ne devait théoriquement pas être reconduit vers son pays d’origine sans procédure conforme aux règles internationales. Or, selon son avocat, Me Aboubacar Baparapé, les conditions de son retour forcé au Bénin bafouent les principes fondamentaux du droit d’asile.
Une fois à Cotonou, le journaliste a été placé entre les mains des services d’enquête spécialisés, puis présenté à la CRIET. Il est actuellement incarcéré à la prison civile de Ouidah, en attente d’un complément d’instruction. La date de son procès n’a pas encore été arrêtée.
Une affaire à forte charge politique
Hugues Sossoukpè est le fondateur du média numérique Olofofo, critique envers le pouvoir en place, et suspendu par les autorités béninoises il y a plusieurs mois. Pour ses soutiens, les poursuites engagées contre lui relèvent davantage de la volonté d’étouffer une voix dissidente que d’une véritable procédure judiciaire.
L’affaire intervient dans un contexte où la CRIET est régulièrement pointée du doigt pour sa sévérité envers les journalistes, militants et figures de la société civile critiques du régime. Elle ravive les inquiétudes sur les atteintes à la liberté d’expression dans le pays, et sur les risques encourus par les professionnels de l’information, même en exil.
Un précédent inquiétant
Cette arrestation n’est pas isolée. En août 2024, un autre web activiste, Steve Amoussou, avait été arrêté dans des circonstances similaires au Togo, avant d’être condamné par la CRIET à une peine de prison ferme. Des cas qui, selon plusieurs observateurs, traduisent une tendance à la criminalisation de la parole critique dans l’espace public béninois.
Dans l’attente du jugement de Hugues Sossoukpè, les appels à sa libération se multiplient, tout comme les interpellations adressées aux autorités ivoiriennes et béninoises. Pour ses avocats comme pour les ONG mobilisées, il en va non seulement des droits fondamentaux d’un journaliste, mais aussi de l’image démocratique d’un pays de plus en plus scruté.
Oura KANTÉ
Malikunafoni
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