Sénégal : Bassirou Diomaye Faye de la prison au Palais présidentiel
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Sénégal : Bassirou Diomaye Faye de la prison au Palais présidentiel

À 44 ans, l'opposant et dauphin d'Ousmane Sonko, est élu 5e président du Sénégal battant le candidat du pouvoir sortant, Amadou Ba

 

C’est un véritable séisme politique qui a lieu chez nos sénégalais. Le binôme du redoutable opposant au président Macky Sall, Ousmane Sonko, qui se nomme Bassirou Diomaye Faye, qui se hisse à la magistrature suprême au Sénégal.  À 44 ans, l'opposant et dauphin d'Ousmane Sonko, sera le 5e président du pays. Deux semaines avant ce scrutin l’opposant sortait de prison, le 14 mars 2024, pour se lancer directement dans la campagne électorale, qui n’a finalement duré que de seulement une semaine pour lui. La détermination et l’engagement des électeurs à balayer le système Macky Sall et tout l’héritage de la nomenclatura politico affairiste dakaroise des 60 dernières années était sans faille. Comme l’élection du premier président noir aux Etats-Unis, Barack Hussein Obama, les électeurs sénégalais aussi des villes comme des campagnes ont pris d’assaut les Bureaux de vote pour donner corps au changement de système venté des mois au paravant par Ousmane Sonko. Qui appelait ses compatriotes à un sursaut patriotique pour mettre fin à un système d’asservissement qui aura trop duré et auquel, tous les régimes successifs s’étaient accommodés, comme il l’a par lâcheté ou par complicité.

 

Ousmane Sonko, le faiseur de roi

Cette victoire de l’opposant reflète la frustration des jeunes sénégalais, qui avaient assez des taux de chômage records et les préoccupations concernant la gouvernance au Sénégal.

Soutenu par le chef de l’opposition populaire Ousmane Sonko, a promis de protéger le Sénégal de la corruption et de l’ingérence de puissances étrangères.

Ousmane Sonko, qui était sorti lui aussi de prison le 14 mars dernier en même temps que le Président élu, se conjugue dans la continuité des actions politiques et idéologiques de libération nationale et africaine de Mamadou Dia, s’est vu obstrué le chemin présidentiel par une avalanche de décisions judiciaires orchestrées contre lui par le président sortant, Macky Sall, dont les manœuvres dilatoires pour conserver le pouvoir nourrissaient l’inspiration de l’opposant. Qui n’arrêtait pas de mettre à l’index les stratagèmes du président Sall. Agacé par les prises de paroles publiques de l’opposant, qui dévoyaient son plan machiavélique, il a fini par perdre la guerre des nerfs. Aussi, déclencha la fureur de son armada judiciaire, qui a fini par barrer la route à Ousmane Sonko à la confrontation électorale du dimanche 24 mars 2024. Mais, c’était sous-estimé la capacité de réaction du parti de l’opposant, qui avait préparé un plan «B», en la personne de Bassirou Diomaye Faye. Qui remporte le scrutin sans détour dès le premier tour. Une victoire saluée par la manière lors d’une conférence de presse, qu’il a animée le lundi soir à son quartier général de campagne. « Le peuple sénégalais a fait le choix de la rupture, pour donner corps à l’immense espoir suscité par notre projet de société », s’est-il félicité. Il s’exprimait pour la première fois devant la presse au lendemain du scrutin. « La tenue de l’élection consacre avant tout la victoire du peuple dans le combat pour la défense de sa souveraineté… » avait-il ajouté.

Elu dans ces conditions, dès le premier tour dimanche, Bassirou Diomaye Faye va prendre la tête du pays, 02 avril prochain après son investiture par le Conseil constitutionnel en remplacement du président Macky Sall. Certes, les résultats officiels ne sont pas encore connus, mais la victoire de l’opposant et la transition à venir ne souffrent encore d’aucun doute. Etant entendu que le candidat du pouvoir Amadou Ba a fini par admettre sa défaite, dès le lundi au regard de la remontée des chiffres. Il l’a appelé pour le féliciter. Au-delà des émotions, le président sortant Macky Sall, qui ne se représentait pas après avoir été élu et réélu en 2012 et 2019, s’est d’abord réjoui du bon déroulement de l’élection avant de féliciter le vainqueur, Bassirou Diomaye Faye. Selon les confrères des médias français le président Emmanuel Macron a lui aussi félicité le lundi soir le nouveau président Bassirou Diomaye Faye et se dit prêt à travailler avec lui. Même si cela n’est pas forcément partagé à Dakar.

Il faut rappeler que déjà, que le statisticien sénégalais Alphonse Thiakane, qui s’exprimait sur les ondes de la Rfm, aux environs de 21 heures à Dakar, analysant les premières tendances du vote de la journée en prenant pour modèle les résultats affichés devant les Bureaux de vote après le scrutin disait clairement que l’issue serait très favorable au candidat du PASTEF, Bassirou Diomaye Faye, le parti de l’opposant, Ousmane Sonko. Selon lui, ce dernier arrivait en tête du scrutin présidentiel du dimanche 24 mars 2024, avec un score sans appel de 56,7% loin devant Amadou Ba de la coalition Benno bokk yaakaar (Bby), qui n’avait obtenu que 31,4%. Et disait-il, si cette tendance se confirmait jusqu’à la proclamation finale des résultats par le Conseil constitutionnel, le remplaçant de Ousmane Sonko à ce vote, remporterait haut les mains le scrutin face à Amadou Ba et certains vieux renards de la politique sénégalaise, comme Khalifa Sall, Aliou Mamadou Dia et Idrissa Seck, qui n’auraient récoltés que 4 ; 3 et 1% des voix exprimées.

 

Faut-il craindre le syndrome Mamadou Dia

Mais, le plus difficile étant désormais derrière, il y a lieu de retenir sur la suite des événements. Car, la conquête du pouvoir, la gestion et la conservation en est une autre. La question qui taraude les esprits, jusqu’à le duo gagnant reste complice dans le partage du pouvoir ? Cette hallucinante question mérite d’être posée dès maintenant, car l’histoire politique sénégalaise est jalonnée d’exemples. Le premier cas, qui retient les attentions, c’est le divorce entre le président du gouvernement, l’équivalent de fonction de Premier ministre aujourd’hui, Mamadou Dia et le président de la République d’alors, Léopol Sédar Senghor, qui était à la fois son allié contre l’ancien président malien Modibo Kéïta, mais il était son mentor politique à la fin des   années 50 au moment où nos pays accédaient à l’Indépendance.

 

Qui est l’homme ?

En application de la Loi-cadre Defferre, adoptée le 23 juin 1956, Mamadou Dia, qui venait de loin, est élu vice-président du Conseil de gouvernement du Sénégal en mai 1957 auprès du gouverneur Pierre Lami, puis président du Conseil de gouvernement du Sénégal. En 1958, lorsque le président français, Charles De Gaulle proposait un référendum sur la communauté française, Mamadou Dia et son allié Léopold Sédar Senghor s'opposent publiquement sur la position à prendre. Le premier est favorable à une rupture avec la France, tandis que Senghor veut conserver le Sénégal dans la communauté, ce qui fut finalement.

N’empêche après le référendum, Mamadou Dia se succède à lui-même en qualité de président du Conseil après l'indépendance de la Fédération du Mali, le 4 avril 1960, Modibo Kéïta a cherché à prendre le contrôle de la présidence de la Fédération, Dia convoque une séance extraordinaire à l'Assemblée territoriale, alors présidé par Senghor, son allié politique, pour statuer sur la question. Il convoqua également un conseil des ministres extraordinaire dans la nuit du 20 au 21 août 1960. Les réunions d’urgence aboutissent à l'indépendance de la République du Sénégal. Dans la foulée, l'état d’urgence est décrété sur tout le Sénégal qui proclame son Indépendance vis-à-vis de la Fédération, qui est morte et enterrée dans l’œuf.

 

Le divorce avec Senghor

Spécialiste des questions économiques, Mamadou Dia met en place le premier plan de développement économique du Sénégal. Il tente aussi de développer un islamisme éclairé et une administration moderne heurtant ainsi les milieux conservateurs et l’ancienne métropole.

A la sortie de la colonisation, le Sénégal a opté pour le système politique parlementaire, inspiré de la Constitution de la 4ème République. Le Président du Conseil, qui était Mamadou Dia, incarnait le sommet de l'État. A cet effet, il avait en charge : la politique économique et intérieure, tandis que la politique extérieure était le domaine réservé du président de la République, qui était Senghor. Mais, très vite les relations prennent de l’eau peu à peu à cause de l’orientation politique prise par Mamadou Dia, notamment la politique économique du gouvernement et le sort à réserver aux députés « affairistes » ayant commis de nombreux abus. Ces députés s’étaient octroyés, des augmentations de salaire, avaient pris des crédits dans des banques (qu'ils ne remboursaient pas) et des actions dans des sociétés anonymes, directement ou par l'intermédiaire de leurs femmes ou de leurs enfants. Tout ceci était contraire à la ligne politique du parti. Mamadou Dia leur demanda à plusieurs reprises de rembourser leurs crédits et de rendre leurs actions, mais en vain.

Comme pour ne rien arranger, le 8 décembre 1962, Mamadou Dia, prononce un discours sur « les politiques de développement et les diverses voies africaines du socialisme» à Dakar ; il prône le « rejet révolutionnaire des anciennes structures » et une « mutation totale qui substitue à la société coloniale et à l’économie de traite une société libre et une économie de développement » et revendique une sortie planifiée de l'économie arachidière4. Cette déclaration, à caractère souverainiste, heurte les intérêts français et inquiète les puissants marabouts qui interviennent dans la filière arachide.

Cela motive Senghor à demander à ses amis députés de déposer une motion de censure contre le gouvernement. Jugeant celle-ci irrecevable, Mamadou Dia tente d'empêcher son examen par l'Assemblée nationale au profit du Conseil national du parti, en faisant évacuer la chambre le 17 décembre et empêcher son accès par la gendarmerie. Malgré ce qui est qualifié de « tentative de coup d'État » et l'arrestation de quatre députés, la motion est votée dans l'après-midi au domicile du président de l'Assemblée nationale, Lamine Guèye.

 

Mamadou Dia en prison à Kédougou

Mamadou Dia est arrêté le lendemain par un détachement de paras-commandos, avec quatre autres ministres, Valdiodio N’diaye, Ibrahima Sar, Joseph Mbaye et Alioune Tall. Ils sont traduits devant la Haute Cour de justice du 9 au 13 mai 1963 ; alors que le procureur général ne requiert aucune peine, Dia est condamné à la prison à perpétuité tandis que ses quatre compagnons sont condamnés à 20 ans d’emprisonnement ; ils seront détenus au centre spécial de détention de Kédougou dans le Sénégal oriental.

Plusieurs personnalités comme Jean-Paul Sartre, le pape Jean XXIII ou encore François Mitterrand, intervenaient auprès de Senghor pendant son incarcération, demandant sa libération, ainsi que ses codétenus. Senghor restait de marbre jusque-là, se montre plus clément et accède aux nombreuses sollicitations. C’est ainsi qu’en mars 1974, il décida de les gracier et de les libérer. Ils sont amnistiés en avril 1976, un mois avant le rétablissement du multipartisme au Sénégal. Parmi leurs avocats durant cette période, on compte Abdoulaye Wade et Robert Badinter.

 

Idem pour Wade et ses fils politiques Idrissa Seck et Macky Sall

Cet épisode dramatique de l'histoire politique au Sénégal reste un sujet délicat encore pour avoir laissé une tâche noire sur l’héritage politique de Senghor.

Sous le règne du président Abdoulaye Wade, le Sénégal a connu ces genres déchirures politiques violentes. Le premier à souffrir de coup de canif dans le dos, c’est Idrissa Seck, alors Premier ministre. Il fut évincé et incarcéré pendant de long mois. A l’époque, maire de Fatick, sa ville de naissance et plusieurs fois membre du gouvernement de Idrissa Seck : Mai 2001 à novembre 2002 : Ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Hydraulique ; Novembre 2002 à août 2003 : Ministre d’État, Ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Hydraulique dans le Gouvernement dirigé par Mame Madior Boye

Août 2003 à avril 2004 : Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, porte-parole du Gouvernement d’Idrissa Seck. Puis, remplace Idrissa Seck à la Primature en 2004. Il reste en poste jusqu’en 2007, année de son élection comme député et prend le perchoir à l’Assemblée nationale.

Avec 143 voix sur 146, il est élu le 20 juin 2007, président de l’Assemblée nationale sénégalaise. Mais, très vite la rupture est consommée avec le président Wade à cause de Karim Wade, fils du président de la République et ministre. Parce qu’il a osé convoquer ce dernier pour audition sur les travaux de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (ANOCI). Face à son refus de démissionner, son poste de numéro deux du PDS est supprimé, le mandat du président de l’AN réduit de cinq à un an.

Contre toute attente, en 2008, il se brouille avec le président Wade. Comme Idrissa Seck, il est à son tour évincé de la présidence de l’Assemblée nationale puis incarcéré. A sa sortie de prison, comme Idrissa Seck, il quitte le parti présidentiel pour fonder sa propre formation politique (APR). Il se joint à l’opposition pour barrer la route à Abdoulaye Wade, qui caressait le rêve de briguer un troisième mandat contre vents et marées.

Le 9 novembre 2008, il quitte le PDS et abandonne tous les postes qu’il occupait grâce au parti. Le 1er décembre 2008, il crée, avec une trentaine de cadres du PDS, Alliance Pour la République.

Lors des élections locales du 22 mars 2009, dans le cadre d’une coalition formée avec les autres partis membres de Bennoo Siggil Sénégal, APR-Yaakaar remporte les localités de Fatick, douze collectivités locales au nord du pays et trois au sud, Gossas ainsi que toutes les grandes villes du pays.

Avec en ligne de mire l'élection présidentielle de 2012, il sillonne les campagnes sénégalaises et va à la rencontre de la diaspora à travers le monde. En 2010, un sondage le plaçait déjà en tête à Dakar et sa région.

Comme pour dire, des exemples de coups de canif dans l’histoire politique sénégalaise, il n’en manque. Mais, Bassirou Diomaye Faye risquerait un divorce avec son mentor Sonko, disons pour s’affranchir d’une tutelle qui deviendra plus tard pesant ? attendons de voir la suite. Le temps est le meilleur juge.

Note de synthèse de Malikunafoni

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