MENAKA : Le piège du négationnisme ne sert ni les populations, ni la Transition
Pour une raison ou une autre, évitons de nier les souffrances de nos populations, au risque d'ancrager dans leurs cœurs et esprits, le sentiment qu'il y a des maliens différents d'autres maliens. Ça serait la pire des choses, car nous ouvrirons le plus grand boulevard au bénéfice de la cassure nationale. Dans un pays comme le nôtre, exposé au terrorisme et à d'autres formes d'atrocités, sans oublier les velléités indépendantistes qui s'appuient sur des revendications de traitements égalitaires et équitables, au nom de la République et de la justice sociale ; nous devrions faire attention. Le negationisme ne nous sera d'aucune utilité dans un contexte pareil. Il faut plutôt reconnaître les problèmes tels qu'ils sont, les apprécier objectivement et tenter des solutions.
Ça ne va pas du tout à Menaka et les populations sur place souffrent énormément. Il n'y a aucun cercle de cette région qui ne soit , en tout cas jusqu'au moment où j'écris ces quelques mots, sous contrôle total des terroristes. C'est uniquement la ville de Menaka, qui est épargnée de ce tableau, et même là , les braquages et d'autres formes de banditismes s'y passent quotidiennement. Pas de jour à Menaka ville sans actes de banditismes avérés. C'est cela la triste réalité. Ceux qui peignent un tableau sécuritaire plus luisant et différent de ça, pour la région, ne servent ni les populations, ni la transition.
Celui qui a contribué à la construction de ma conscience politique (je ne suis membre d'aucun parti politique au monde) aimait me rappeler la phrase suivante : " Faire de la politique, ne signifie rien d'autre qu' apporter des solutions aux problèmes des communautés " fin de citation. Ainsi, que l'on soit civil ou militaire, lorsqu'on exerce le pouvoir d'Etat, on est au cœur de la politique. Les militaires qui tiennent la destinée de notre pays aujourd'hui, n'échappent pas à cette règle, et se doivent de résoudre nos problèmes. Ils font, sans aucun doute assez d'efforts , et nul ne peut mettre leur bonne foi en cause, même si la sincérité n'est pas une garantie de la vérité, comme nous l'enseigne l'imam Ghazali.
Sur la problématique sécuritaire dans le nord du Mali en général, nous suggérons à nos autorités, de changer complètement de stratégie.
En effet, nous faisons face à des difficultés très complexes, dont les résolutions nous exigent de la lucidité, de la retenue, du recul, du tact, de la réactivité, de l'efficacité, mais surtout du sens élevé du patriotisme. Oui ! Il nous faut tout cela à la fois, et c'est ce qui donne du sens à la nécessité du changement de stratégie dont nous avons parlé plus haut.
Comment se présentent les rapports de forces hostiles sur le terrain à Menaka ?
1 - Vous avez l'EIGS qui s'enprend à tout sur son passage, avec un mode opératoire le plus cruel que l'on puisse imaginer. Il n'épargne ni les FAMAS, ni les mouvements armés, ni le JINIM d'Iyad, ni les populations et leurs biens,
2- Vous avez le JNIM d'Iyad, qui combat L'EIGS , et qui est opposé aux FAMAS,
3-Vous avez les mouvements armés qui combattent l'EIGS,
4-Vous avez enfin les FAMAS qui affrontent l'EIGS et le JNIM.
Les possibilités d'alliances sur le terrain, se font formellement entre les mouvements armés et les FAMAS. Le JINIM d'Iyad qui constitue la véritable digue la plus solide contre L'EIGS, a des rapports négatifs avec les FAMAS et moins conciliants avec les mouvements armés. Cependant, ce qui est établi, est que le JINIM, les mouvements armés et les FAMAS sont tous des maliens. Bien que l'EIGS soit fondamentalement formé d'étrangers, il a en son sein, des maliens enrôlés , motivés soit par le désir de vengeance contre d'autres maliens, soit parce qu'ils ont subi des pressions énormes de l'EIGS, ou pour des raisons pécuniaires.
A défaut donc d'une intervention directe et musclée dans cette lutte contre l'EIGS par l'Etat, toute chose qui pourrait effectivement recouvrir un piège qui servirait d'alibi contre les FAMAS , par certaines forces extérieures nocives pour implémenter des agendas inavoués, pourquoi ne prendrons nous pas alors l'initiative, de créer une alliance stratégique, même circonstanciée , avec l'ensemble des mouvements armés et le JNIM d'Iyad, au nom de l'union sacrée nationale, pour bouter l'EIGS de nos frontières ? Là, le "patriot act" , pourrait être le slogan rassembleur. Cette option est plus facile à implémenter, du moment où l'EIGS, comme je l'ai dit, est essentiellement une importation étrangère des groupes mobiles d'extrême violence, selon l'expression du professeur Abdoulaye NIANG.
La théorie selon laquelle l’histoire de l'humanité est un cycle répétitif est assez partagée. Cette stratégie d'alliance que nous proposons, a été exactement celle qui a été adoptée par les 2 ennemis politico-idéologiques en Chine, Mao et Tchièk, tous chinois; pour combattre le Japon, élément étranger, quand ce dernier a agressé la Chine. Les fils du même pays et de la même nation chinoise, ont tait leurs belligérances, le temps de régler pour de bon, le compte à l'ennemi venu de l'extérieur. Ça été un succès total. Qu'est ce que nous empêche d'arriver à un résultat similaire ?
Dans notre cas, cette option a bien entendu ses risques et ses dangers, qui sont connus et prévisibles, mais qui peuvent être sans aucun doute contenus, surtout qu'elle permettra d'alléger drastiquement les douleurs insupportables de toutes les parties maliennes. Pour y arriver, il faut absolument que l'Etat sorte de sa posture éventuelle conçue , autour de la bonne fausse idée, qu'il faut laisser les mouvements armés, le JNIM et L'EIGS s'affaiblir mutuellement, pour lui permettre d'atteindre facilement des objectifs militaires ultérieurs, en vue d'une libération militaire prochaine du Nord du Mali. Très grave erreur, qui risquerait de produire tout le contraire de l'effet souhaité. Pourquoi et comment ? J'y reviendrai éventuellement.
Mais d'ores et déjà, il doit être connu de tous, que nous sommes de ceux qui sont profondément convaincus, que ce n'est pas la guerre entre maliens, qui sera la solution au problème du Nord en général, et de Kidal en particulier. Nous n'avons pas varier de cette ligne. Qu'Allahou apaise les souffrances des populations du Nord en général et de celles de Menaka en particulier.
Source : *Fabou KANTÉ
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