Lutte contre la désinformation en Afrique de l’Ouest : entre encadrement légitime et dérives inquiétantes
- malikunafoninet
- 28 mai
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Face à la montée des fausses informations sur les réseaux sociaux, plusieurs États ouest-africains ont renforcé leur arsenal législatif. Une démarche sécuritaire qui soulève des préoccupations croissantes quant au respect des libertés fondamentales.
« Quand la loi sur la cybercriminalité est utilisée pour empêcher les journalistes de faire leur travail, elle cesse d’être une force pour devenir une faiblesse », déplore Bandiougou Danté, président de la Maison de la presse du Mali. Une déclaration qui illustre bien le paradoxe auquel sont confrontés les pays d’Afrique de l’Ouest : protéger l’espace numérique sans l’étouffer.
De Dakar à Ouagadougou, en passant par Bamako et Cotonou, la lutte contre la désinformation est devenue une priorité gouvernementale. Dans un contexte de tensions sécuritaires, les gouvernements multiplient les textes de loi. Au Bénin, le Code du numérique (2018) sanctionne les « fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public ». Le Sénégal, le Burkina Faso et le Mali disposent également de lois similaires, réprimant les contenus jugés nuisibles à la sécurité ou à la cohésion nationale.
« La désinformation n’est pas seulement une question de vérité, c’est aussi un enjeu de sécurité », confie un haut fonctionnaire malien. Une posture qui, selon certains analystes, justifie la fermeté des législateurs.
Mais cette fermeté inquiète. Pour Ousmane Ba, du think tank Whati, « la lutte contre la désinformation est légitime, mais elle ne doit pas se faire au détriment des libertés fondamentales ». Il appelle à une régulation équilibrée, capable de distinguer entre la manipulation délibérée et les opinions divergentes.
Le principal écueil de ces législations reste leur manque de clarté. Qui détermine ce qu’est une fausse information ? Et selon quels critères ? « Trop souvent, on confond désinformation volontaire et simple erreur d’analyse », estime Agapite Manforikan, journaliste togolais. Il insiste sur le rôle essentiel d’une justice indépendante dans l’arbitrage de ces situations.
Des voix s’élèvent aussi pour des approches alternatives : développer l’éducation aux médias, encourager la vérification participative, et surtout, garantir la transparence de l’information publique.
En attendant une réforme plus équilibrée des textes existants, les journalistes et activistes de la région continuent de naviguer entre vigilance citoyenne et prudence éditoriale.
Par
Oura KANTÉ
Malikunafoni
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