Engrais marocains : le cadmium au centre des soupçons sur la hausse des cancers du pancréas en France

« Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard », alerte le nutritionniste Arnaud Cocaul, inquiet d’une possible contamination silencieuse de nos assiettes.

Alors que les cancers du pancréas progressent à un rythme inquiétant en France, un nouveau suspect émerge : le cadmium, un métal lourd présent dans certains engrais phosphatés importés du Maroc. Ce composé chimique, classé cancérogène avéré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pourrait s’accumuler dans les sols agricoles et finir par contaminer la chaîne alimentaire.

Une progression alarmante de la maladie

Selon l’Institut national du cancer, près de 16 000 nouveaux cas de cancer du pancréas ont été recensés en 2023. Ce chiffre, déjà considérable, traduit une progression continue depuis plus d’une décennie : +1,6 % par an chez les hommes, +2,1 % chez les femmes. Cette pathologie, souvent détectée tardivement, reste l’une des plus meurtrières, avec un taux de survie à cinq ans inférieur à 10 %.

Face à cette évolution, plusieurs médecins appellent à explorer davantage les causes environnementales. Parmi eux, le Dr Arnaud Cocaul pointe un lien potentiel entre la hausse des cancers du pancréas et la présence de cadmium dans les engrais marocains, très utilisés dans l’agriculture française. Selon lui, cette exposition chronique pourrait expliquer la montée des cas, notamment chez les jeunes adultes.

Le cadmium, un poison discret mais persistant

Naturellement présent dans la croûte terrestre, le cadmium est utilisé dans diverses industries et entre dans la composition des engrais phosphatés. Santé publique France le décrit comme un « toxique cumulatif », capable de s’accumuler dans le foie, les reins et le pancréas au fil des années. Une fois absorbé, il provoque un stress oxydatif et endommage les cellules, augmentant le risque de tumeur.

Une méta-analyse récente confirme d’ailleurs que les personnes les plus exposées au cadmium présentent plus du double de risque de développer un cancer du pancréas. L’exposition passe principalement par l’alimentation : pain, légumes à feuilles, pommes de terre, céréales et fruits de mer figurent parmi les principaux vecteurs d’ingestion.

Un dossier sensible entre Paris et Rabat

Le débat prend une tournure politique et économique. La France, grande consommatrice d’engrais, importe une part importante de ses produits du Maroc, dont les gisements de phosphate sont parmi les plus riches au monde. Or, ces gisements présentent une teneur en cadmium plus élevée que ceux d’autres régions.

Le Dr Cocaul plaide pour une suspension temporaire des importations en provenance du royaume chérifien, le temps de renforcer les contrôles sur la teneur en métaux lourds. Il appelle également à un suivi rigoureux de l’exposition alimentaire au cadmium, afin d’éviter une possible crise sanitaire.

Un défi sanitaire et politique majeur

Si la corrélation entre cadmium et cancer du pancréas reste à consolider, la prudence domine dans le milieu médical. Les spécialistes rappellent que d’autres facteurs — tabac, obésité, diabète, vieillissement — jouent également un rôle important. Mais pour beaucoup, l’ampleur du phénomène justifie des mesures préventives immédiates.

« Nous sommes peut-être face à une bombe sanitaire invisible », résume un médecin hospitalier. En attendant des études plus poussées, les experts appellent à réduire les sources d’exposition environnementale et à repenser la dépendance agricole de la France à certains engrais importés.

La polémique, désormais sur la table des décideurs, pourrait bien rebattre les cartes d’un partenariat agricole longtemps jugé stratégique.

Source Afrik.com

Oura KANTÉ

Malikunafoni