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AES : L’accès à la mer, enjeu vital pour les pays sahéliens enclavés


 Enclavés, les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Mali, Burkina Faso et Niger – font de l’accès à la mer une priorité stratégique. Confrontés à des tensions avec plusieurs pays côtiers, ils multiplient les initiatives diplomatiques pour sécuriser leurs voies commerciales maritimes.

« Sans accès à la mer, notre indépendance économique restera incomplète », confie un diplomate burkinabè rencontré à Ouagadougou, à l’issue d’une réunion stratégique sur les corridors commerciaux.

 

Depuis la création de l’Alliance des États du Sahel, les militaires au pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger ont accéléré les démarches pour contourner leur enclavement. Sur le terrain, ce manque d’ouverture maritime est perçu comme une entrave directe à leur souveraineté économique.

 

Burkina Faso : priorité au Ghana et au Togo

 

À Ouagadougou, les tensions avec Abidjan et Porto-Novo sont palpables. « Nous avons besoin de partenaires fiables, pas de pays qui nous imposent des choix politiques », tranche un conseiller du ministère des Transports burkinabè. Face à la dégradation des relations avec la Côte d’Ivoire et le Bénin, les autorités burkinabè se tournent vers le Ghana – seul pays visité par le capitaine Ibrahim Traoré depuis sa prise de pouvoir – et vers le Togo.

 

À Lomé, le ministre des Affaires étrangères Robert Dussey s’est dit ouvert à un rapprochement avec l’AES, laissant même entendre une possible adhésion. Une déclaration perçue ici comme un signe fort.

 

Mali : entre Alger et Nouakchott, une frontière de méfiance

 

Du côté de Bamako, les tensions avec l’Algérie se sont intensifiées après la destruction d’un drone malien par l’armée algérienne. Les échanges aériens sont désormais suspendus, et les accusations mutuelles se multiplient. À la frontière mauritanienne, des incidents ont failli dégénérer en décembre 2024, après l’arrestation de civils mauritaniens par les forces maliennes.

 

« Nos routes vers Nouakchott sont bloquées par la politique, pas par le désert », résume un agent logistique malien basé à Kayes. Cette situation pousse Bamako à regarder vers l’ouest… et vers Rabat.

 

Niger : la Libye, un partenaire sous haute tension

 

À Niamey, la situation est tout aussi complexe. La Libye, malgré son potentiel portuaire, reste instable. En mars 2025, j’ai pu observer les équipes nigériennes secourir des migrants à la frontière libyenne, théâtre fréquent d’abandons et de violences. Avec plus de 30 000 expulsés venus d’Algérie en 2024, le Niger est submergé par une crise humanitaire, rendant difficile toute coopération logistique durable avec Tripoli.

 

Le pari marocain

 

Face à ces obstacles, les pays de l’AES misent de plus en plus sur une alternative audacieuse : un accès via le Maroc. En novembre 2023, le roi Mohammed VI a proposé de relier l’AES à l’océan Atlantique via un corridor transsaharien. Lors d’une rencontre à Rabat en avril 2025, les ministres des Affaires étrangères de l’AES ont salué l’initiative. Mais sur le terrain, aucun chantier n’a encore commencé.

 

Dans les couloirs des ministères à Bamako, Ouagadougou ou Niamey, l’avenir économique de l’AES se joue autant sur les cartes que sur les routes. L’enjeu est clair : sortir de l’enclavement pour ne plus dépendre de voisins jugés hostiles ou instables. La bataille pour la mer est lancée.

 

Par

Oura KANTÉ

Malikunafoni

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